Lemusicien jamaĂŻcain est dĂ©cĂ©dĂ© le 29 aoĂ»t Ă  l'âge de 85 ans. En tant que producteur, il a eu une influence dĂ©cisive sur le reggae en poussant, celui qui restera dans l'histoire comme le La sociĂ©tĂ© jamaĂŻcaine est machiste, comme d'autres. Mais il y a des personnalitĂ©s fortes dans le reggae comme la chanteuse Jah9" , 38 ans, et prĂ©sente dans l’abum des Inna de Yard Aujourdhui Daniel aurait bien couronnĂ© ce gardien de zoo jamaĂŻcain qui pour amuser les visiteurs a titillĂ© un lion, mais une fois de plus, actualitĂ© oblige, le hĂ©ros du jour n'est autre que le King de Roland Garros. Onest JamaĂŻcain Si le cĹ“ur vous en dit Y a trop longtemps dĂ©jĂ  Que je traĂ®ne ma vie Tout autour de la planète Je n'sais plus très bien De quel pays je viens Peu importe qu'on soit De New-York ou Paris Quand on est musicien On est AmĂ©ricain Si on vit aujourd'hui Mais je n'ai pas besoin De la Californie Quand je voyage dans ma tĂŞte Maisn'empĂŞche que c'est vrai. Le musicien se doit d'ĂŞtre patient, ultra patient mĂŞme. Tout d'abord lorsqu'il part en tournĂ©e Si on compte que dans la journĂ©e il aura besoin de 1h pour installer Lejazz n’est pas le genre musical le plus immĂ©diatement associĂ© Ă  la JamaĂŻque. Pourtant, vivace dès les annĂ©es 1920, il rĂ©unit un groupe – limitĂ© mais brillant – d’instrumentistes jamaĂŻcains, notamment dans l’après-guerre. Ces jazzmen jamaĂŻcains, tels Ernest Ranglin, Monty Alexander ou Douglas Ewart, participeront aux premiers pas de la musique de l’île, et apporteront ĂŠtreravi quand on dĂ©couvre que quelqu’un de cĂ©lèbre est gaucher : Il est rare d’être gaucher. Il est encore plus rare de devenir cĂ©lèbre. Les chances d’être gaucher et cĂ©lèbre sont plutĂ´t minimes. Alors, lorsque nos amis gauchers dĂ©couvrent que quelqu’un qu’ils 4MRe3qe. En prĂ©vision de l’étĂ©, du reggae sur GonzaĂŻ !? Je vous vois dĂ©jĂ  en train de vomir sur votre grand con d’altermondialiste Ă  djembĂ© de service, celui qui vous casse les couilles sur les plages estivales Ă  essayer d’embobiner de la donzelle concernĂ©e par la famine et l’eau qui brĂ»le. Restons humains man, on ne tire pas sur une ambulance, mĂŞme si on a longtemps espĂ©rĂ© qu’un dĂ©chirement des cordes vocales y poussent Sinsemilia, Tryo et cet ancien fafa de Pierpoljak. PlutĂ´t que de ruer dans les brancards d’un style musical agonisant sous le poids des t-shirts Ă  l’effigie de saint Bob, mieux vaut apprĂ©hender Kingston via son canal historique. The harder they come, film culte de 1972 qui explose sur les Ă©crans la mĂŞme annĂ©e que la percĂ©e des Wailers Ă  l’international et dĂ©peint de manière fulgurante les codes d’une identitĂ© musicale insulaire alliĂ©e Ă  une rĂ©alitĂ© sociale loin d’être fumeuse. Pour le novice en musique jamaĂŻcaine, The harder they come est la porte qui donne accès de manière synthĂ©tique au quotidien rythmĂ© de ces jeunots qui se dĂ©battaient dans le marasme des quartiers pauvres de Kingston, et ce, bien avant l’avènement du reggae. L’histoire est aussi banale qu’une rĂ©colte de canne Ă  sucre aux Antilles. Yvan, gamin cul-terreux interprĂ©tĂ© par un Jimmy Cliff sidĂ©rant, dĂ©cide de venir tenter l’aventure Ă  la grande ville et de chanter dans les studios qui pondent du tube Ă  la chaĂ®ne. Pourtant il y a peu d’élus dans la Babylone musicale, et s’il est bien question de chaĂ®ne, c’est sĂ»rement plus celles de l’oppression sociale que portent les gamins de la concrete jungle. Petit Ă  petit, le personnage va se retrouver face Ă  une multiplicitĂ© d’élĂ©ments extĂ©rieurs qui le dĂ©tourneront du droit chemin, jusqu’à le transformer en un rude boy, idole des moins que rien. Yvan est Ă  la fois l’incarnation du jeune Jimmy Cliff – qui, comme pas mal d’apprentis artistes, traĂ®nait du cĂ´tĂ© des studios dans l’espoir de pouvoir graver son premier single – et de Vincent Martin aka Rhyging terme signifiant, en argot jamaĂŻcain, bad boy au sang chaud », hors-la-loi des annĂ©es 40 restĂ© dans le folklore comme un Robin des Bois local du ghetto affamĂ©. La classe populaire jamaĂŻcaine des 60’s se passionnait alors pour les westerns. Al Capone de Prince Buster, hit fondateur du ska en 1964, grâce Ă  sa rythmique ingĂ©nieuse de R’n’B Ă  contretemps, donne un aperçu de l’importance de la figure persistante de l’outlaw. Buster, ancien boxeur et gros bras armĂ© du business musical jamaĂŻcain, tient le rĂ´le du DJ dans le film. Loin de l’idĂ©e reçue de l’attitude peace and love Ă  la sauce jamaĂŻcaine, le film dĂ©peint la violence comme faisant partie intĂ©grante de la sociĂ©tĂ© et du dĂ©veloppement de la musique dans l’île. Dès son arrivĂ©e Ă  la capitale, Yvan, encore naĂŻf, se fait dĂ©pouiller du peu qu’il possède et part chercher assistance auprès sa mère, qui lui conseille d’aller bosser pour le pasteur Ă©vangĂ©liste local, un tyran bien conservateur. La scène oĂą le hĂ©ros assiste Ă  l’office montre une JamaĂŻque plongĂ©e – Ă  l’instar du grand voisin amĂ©ricain – dans la ferveur du gospel, souvent pilier d’une Ă©ducation musicale. Le pasteur est, quant Ă  lui, l’illustration de la classe noire privilĂ©giĂ©e qui a pris le pouvoir lors de l’indĂ©pendance en 1962 et reste sourde et bornĂ©e face aux problèmes du ghetto, Ă  ses yeux source de dĂ©linquance et de saletĂ©. Pour lui, la rĂ©pression policière, le spectre de la prison et l’ordre moral sont les moyens les plus sĂ»rs d’assurer la mainmise sur une population souvent analphabète. Yvan, rĂ©fractaire Ă  l’autoritĂ©, paie chèrement sa relation illĂ©gitime avec la fille adoptive du cureton, et se voit assĂ©ner une condamnation Ă  recevoir le fouet ; condamnation qui le propulse directement dans le monde de la racaille et des coups Ă  la petite semaine. Pourtant il s’accroche Ă  son rĂŞve de faire un jour un hit qui le rendra cĂ©lèbre. Derrière le tableau social, The harder they come dissèque surtout Ă  merveille la mafia des grands studios et les petits business pour assurer un monopole sur le son jamaĂŻcain. La spĂ©cificitĂ© mĂŞme du marchĂ© musical de l’île est le fruit d’un long processus d’adaptations et de dĂ©brouillardises forgĂ©es au fil des ans. Yvan, qui s’improvise coursier pour un studio, apprend Ă  ses dĂ©pens combien ce milieu est verrouillĂ© par une poignĂ©e de pionniers devenus nababs. La sĂ©quence des musiciens attendant le big boss du studio Ă  la grille d’entrĂ©e pour pouvoir chanter leur petit brin de mĂ©lodie est confondante de rĂ©alisme. Toutes les stars du reggae ont un jour ou l’autre fait le pied de grue dans une cour avant de pouvoir pousser la chansonnette derrière un micro. Les plus chanceux et opportunistes se trouvaient un petit job de grouillot dans les labels ou les boutiques, en espĂ©rant l’embellie et un peu de temps entre les sĂ©ances des gros bonnets vert/jaune/rouge. Marley lui-mĂŞme a tissĂ© une grande partie de son rĂ©seau de cette manière. La particularitĂ© de la musique sur l’île a toujours Ă©tĂ© la capacitĂ© de la classe populaire Ă  crĂ©er les outils de diffusion de leur propre culture, contre un système Ă©tatique toujours sous le joug de la censure britannique. L’apparition des soundsystems dans les annĂ©es 50 a dĂ©finitivement modelĂ© le mode de crĂ©ation et de consommation des JamaĂŻcains, Ă  contre-pied des modèles amĂ©ricain ou anglais basĂ©s sur les mass media et la toute-puissance radiophonique. En JamaĂŻque, c’est tout l’inverse. L’absence de libertĂ© sur des ondes, contrĂ´lĂ©es par l’État d’une main de fer, a poussĂ© quelques aficionados du rythm and blues Ă  monter des soirĂ©es de danse endiablĂ©e dans les ghettos de Kingston. Plus sexy, dĂ©bridĂ©e et rebelle que le traditionnel Mento que l’on ressert Ă  la sauce jazzy dans les hĂ´tels de luxe, cette musique colle bien aux aspirations du petit peuple, qui trouve une soupape en dansant et en se bourrant allègrement la gueule les week-ends. Devenus petit Ă  petit lucratifs, grâce Ă  un petit ticket d’entrĂ©e et des bar-restaurants ambulants, les soundsystems entrent dans une concurrence effrĂ©nĂ©e Ă  la plus belle sono et aux meilleures galettes la course aux basses vrombissantes commence ici. Lorsque l’on vit dans le ghetto, on supporte son soundsystem comme on porte une Ă©charpe de foot Ă  St Etienne avec une ferveur qui confine Ă  l’aveuglement. Les systems sont le cĹ“ur de la musique populaire jamaĂŻcaine, ils font passer la pulsation du moment au peuple. Lorsqu’un DJ tient un titre en passe de devenir un tube, il peut le passer jusqu’à quinze fois d’affilĂ©e Ă  la demande des danseurs devenus des Ă©ponges Ă  sueur. Pendant cette première pĂ©riode, trois patrons des sound tiennent le haut du pavĂ© Tom the Great Sebastian, l’ancien flic toujours armĂ©, Duke Reid, et Coxsone Dodd. A eux trois ils se livrent une bataille fĂ©roce pour dĂ©nicher les nouveautĂ©s du voisin amĂ©ricain. Dans un premier temps, ils voyagent ou paient des passeurs pour aller fouiner dans les bacs et ramener la perle rare de chez l’oncle Sam. Pour que leurs concurrents ne puissent reconnaĂ®tre leur sĂ©lection de titres, ils arrachent souvent les Ă©tiquettes des disques ; le white label est nĂ©. A force de se tirer dans les pattes, au sens propre comme au figurĂ©, les huiles du ghetto, sous l’impulsion du Duke, engagent mĂŞme des petites frappes, les dancehall crashers, qui vont dĂ©truire le matos des concurrents, menacer les danseurs et soudoyer des proches des DJ’s pour qu’ils balancent le nom des titres. Peace and love ? PlutĂ´t hate and guns, brother… A ce petit jeu, l’ancien keuf est le roi de l’embrouille jusqu’au jour oĂą quelqu’un de son crew crache le nom de ses dernières dĂ©couvertes, le ridiculisant auprès de son public qui se barre par paquets pour rejoindre le sound de Coxsone. RemontĂ© comme un coucou jamaĂŻcain, il dĂ©cide alors de produire ses propres titres en faisant appel aux musiciens du coin, de manière Ă  toujours avoir un coup d’avance. La scène devient locale, le public adhère immĂ©diatement et tous les big ones s’engouffrent dans la brèche. La musique va de plus en plus parler le langage du quotidien, ce petit monde dĂ©finit, pas Ă  pas, un style inimitable. Autre avantage, lorsqu’un morceau cartonne le week-end on peut ĂŞtre sĂ»r que les ventes de disques, pressĂ©s en flux tendu le lundi directement dans les magasins, grimpent en flèche. Cette organisation Ă  l’apparente indĂ©pendance cache pourtant bel et bien un oligopole virulent face aux nouveaux arrivants dans le marchĂ©, que le film dĂ©nonce avec prĂ©cision. Lorsque Yvan finit par coucher sur bande son single The Harder they come, il se voit proposer un contrat et un cachet d’artiste de base par Leslie Kong fondateur du label et du magasin Beverley’s, qui joue son propre rĂ´le dans le film que notre rude boy commence par refuser, considĂ©rant que cela relève de la pure escroquerie. Le producteur lui rit alors au nez et le laisse partir avec son test-pressing sous le bras, en sachant que grâce Ă  un simple coup de tĂ©lĂ©phone il pourra bloquer tous les circuits de diffusion du titre, aussi bon soit-il. Yvan tentera sa chance d’effrontĂ© mais reviendra la queue entre les jambes pour signer en bas de la page, et finalement dĂ©crocher son tube. Un autre aspect, plus surprenant pour le bĂ©otien, c’est certainement la prĂ©sence marginale du rastafarisme dans la scène musicale officielle ». A part une poignĂ©e de potes avec qui Yvan se lance dans le deal de ganja, il n’y a pas foule de JamaĂŻcains qui portent des dreadlocks. Et le seul moment du film oĂą on les sent libres d’agir Ă  leur guise, c’est lors d’une escapade sur la plage qui prend l’allure du baptĂŞme rasta d’Yvan, pourtant rude boy invĂ©tĂ©rĂ©. Contrairement aux clichĂ©s, ce mouvement – qui reprend le thème du retour en Afrique cher Ă  Marcus Garvey tout en alliant une certaine idĂ©e de la religion chrĂ©tienne Ă©thiopienne – n’était pas vraiment populaire. Pendant longtemps, ce culte a mĂŞme Ă©tĂ© fortement rĂ©primĂ© par l’État, qui en profitait pour brĂ»ler les champs de ganja. Duke Reid a d’ailleurs purement et simplement refusĂ© de produire cette racaille, eu Ă©gard Ă  son passĂ© dans les forces de l’ordre. Et puis finalement, tout comme Yvan, le reggae finira mal et les propos politico-spirituels de ses acteurs deviendront un tissu de conneries plus ou moins rapiĂ©cĂ© au fil du temps et des kilos de weed qui partent en fumĂ©e. Pour ce qui est du film, on dĂ©plore toujours les nombreuses tentatives d’en faire un remake. On se souveidnra dses empaffĂ©s des Fugees, un temps pressentis dans les annĂ©es 90, avant que Perry Henzel, le rĂ©alisateur, finisse par s’y opposer. Aujourd’hui six pieds sous terre, il doit certainement pester contre ces funestes messages annonçant que l’on va remettre le couvert en 2012. Pour une fois, et Ă  l’inverse du You can get it if you really want chantĂ© par Jimmy Cliff, on espère que la volontĂ© ne suffira pas. Une triste nouvelle pour le monde du reggae. Il vient de perdre l’un de ses piliers sĂ»rs de cette couleur musicale et cette personne n’est autre que le père Denroy Morgan, un artiste chanteur du reggae d’origine jamaĂŻcaine. DĂ©cès survenu le jeudi 03 Mars 2022 Ă  l’âge de 76 ans. Denroy Morgan, est le père fondateur de ce cĂ©lèbre Groupe Morgan HĂ©ritage, qui prĂ´ne la fiertĂ© de cette peau noir et particulièrement de la musique reggae. Il est auteur de plusieurs albums comme I’ll Do anythingfor you, Make my day, Salvaton, Cool Runnings et autres. Que l’âme du père Denroy Morgan repose en paix. Mohamed Cinq Sylla [IMAGES-INLINE-532747221b]© Bernard BenantIl est l’élĂ©gance et la courtoisie faites homme. Quand il apparaĂ®t sur une scène europĂ©enne tirĂ© Ă  quatre Ă©pingles, smoking et nĹ“ud papillon de rigueur ; quand il enregistre derrière un micro vintage dans la touffeur jamaĂŻcaine en dĂ©bardeur dĂ©contractĂ© ; ou quand il dĂ©ambule dans les rues parisiennes, une casquette en fourrure vissĂ©e sur la tĂŞte, Ken Boothe affiche une classe sans pareille. A presque 70 ans, le cĂ©lèbre chanteur jamaĂŻcain, très prisĂ© du public français, est venu dĂ©fendre Ă  Paris un nouvel album que l’on n’attendait pas. Sur la colline luxuriante de Stony Hill qui domine Kingston, il a enregistrĂ© Inna de yard, du nom de la sĂ©rie discographique emmenĂ©e par le label Makasound, devenu Chapter Two. Inna de yard traduisez dans la cour », des enregistrements live, acoustiques, de chanteurs et de musiciens reggae mythiques, parfois tombĂ©s dans l’oubli, transcrits depuis une cour de la capitale jamaĂŻcaine. Ken Boothe s’est donc prĂŞtĂ© au jeu, pour graver onze de ses propres titres, entourĂ© d’une escouade de stars Kiddus I, Cedric Myton des Congos, the Viceroys, Robbie Lynn. Loin des studios classiques que le crooner a bien connus quand il Ă©tait un des poulains de Sir Coxsone pour le mythique Studio One dans les annĂ©es soixante. Ces reprises ont Ă©tĂ© captĂ©es depuis la terrasse d’une maison, enrichies des bruits de la nature et de ces exclamations de satisfaction qui ponctuent la fin d’une prise. Ken Boothe les chante comme si c’était la dernière fois qu’il les interprĂ©tait, corps et âme, donnant tout de son ĂŞtre. Celui que l’on a baptisĂ© Mister Rocksteady – pour sa capacitĂ© Ă  incarner Ă  lui seul ce genre musical jamaĂŻcain apparu après le ska et avant le reggae – est ainsi entier, habitĂ©, intense. C’est un Ken Boothe radieux qui nous a accueillis dans un cafĂ© proche de Radio France. EntourĂ© de sa femme, de sa manageuse, de ses producteurs et de la grande clique du combo Inna de yard, il savoure la pause après une longue journĂ©e de promotion, attaquĂ©e aux aurores dans les studios de Radio Nova et terminĂ©e au Mouv. ArmĂ© d’un sourire bienveillant, ses premiers mots sont pour nous remercier de l’interviewer. Galant avant tout, vous dit-on. Rencontre.[IMAGES-INLINE-542c861968]© Bernard BenantMarianne Vous ĂŞtes une star du reggae, vous avez plus de 50 ans de carrière derrière vous et bientĂ´t 70 ans. Vous n’avez plus rien Ă  prouver et pourtant voilĂ  encore un album. Qu’est-ce qui a motivĂ© cet enregistrement ?Ken Boothe C’est un beau projet que m’a proposĂ© l’équipe de Chapter Two. Comme une renaissance. C’est comme ça qu’on faisait Ă  l’époque, tout commençait dans la cour en JamaĂŻque, on Ă©crivait notre musique au coin de la rue. On a un proverbe chez nous qui dit que quelque chose du passĂ© revient toujours. Mais il y a une grande diffĂ©rence cette fois la prĂ©sence des percussions nyabinghis et puis les enregistrements sont faits en extĂ©rieur. Donc ça donne un son nouveau. C’est très subtil, doux, pas tapageur. Je ne savais pas ce que ça allait donner et j’ai Ă©tĂ© très agrĂ©ablement surpris. Ça ne se faisait plus du tout et c’est une bonne chose car ça participe Ă  faire dĂ©couvrir notre culture jamaĂŻcaine. Ces morceaux que j’ai Ă©crits il y a 35 ou 40 ans retrouvent une fraĂ®cheur sur cet Vous dites que vous avez remontĂ© le temps en enregistrant de cette manière-lĂ , mais des jeunes, comme les chanteurs Var ou Derajah, Ă©taient prĂ©sents. Cette rencontre entre les deux gĂ©nĂ©rations Ă©tait-elle importante?KB Oh oui ! Et c’est ce que j’aime dans la musique. La musique c’est comme le miel, on ne peut jamais la voler ! Prenez MichaĂ«l Jackson, il a chantĂ© un titre Ă©crit par un Italien il y a très longtemps et se l’est appropriĂ©. C’est magnifique ça ! Les nouvelles gĂ©nĂ©rations vont entendre ces vieux morceaux. Le fait de les rĂ©enregistrer fait vivre cette musique. La transmission et le partage, c’est Sur quels critères avez-vous sĂ©lectionnĂ© ces reprises ?C’est Romain Germa mon producteur qui a dĂ©cidĂ© des titres. La plupart sont des tubes, comme Artibella. Mais pas seulement. J’étais très heureux qu’il choisisse African Lady par exemple, une chanson des annĂ©es 70 Ă©crite par Bob Marley, mais qu’il n’a jamais vraiment chantĂ©e. Il l’avait Ă©crite pour Johnny Nash au dĂ©part. Ce que j’aime beaucoup dans le travail qui est fait chez Inna de Yard, c’est d’avoir l’impression qu’on va chercher un nouveau public, un autre que celui des fans. En Europe et mĂŞme en JamaĂŻque, il y a des gens, la jeune gĂ©nĂ©ration peut-ĂŞtre, qui n’avaient pas entendu parler de moi et qui me dĂ©couvrent avec ce projet. Il me semble que je passe des frontières, des caps que je n’avais pas dĂ©passĂ©s avant en terme d’audition.[IMAGES-INLINE-4b2a67b304]© Bernard BenantM En JamaĂŻque, il y a cette culture de la reprise. On a l’impression que les JamaĂŻcains rĂ©pètent leur musique comme on rĂ©vise un cours d’histoire. C’est la garantie de sa pĂ©rennitĂ© ?KB Oui, on a toujours fait ça, sans parfois mĂŞme savoir Ă  qui appartenait tel ou tel titre. Quand Sir Coxsone de Studio One revenait des Etats-Unis, il ramenait toujours des 45T d’Otis Redding, de Sam Cooke, etc. Il choisissait alors qui allait enregistrer quoi de ces albums. Cette manière de faire des reprises adaptĂ©es Ă  notre musique nous a aidĂ©s Ă  nous dĂ©finir comme artistes. On a ainsi dĂ©veloppĂ© notre art et prĂ©cisĂ© notre propre style. On en faisait quelque chose de diffĂ©rent. Plus qu’aujourd’hui, il y avait un vrai art de la reprise. J’en ai fait beaucoup, comme Everything I own, Ă©crit par David Gates. Ça a Ă©tĂ© mon plus grand tube, numĂ©ro 1 en Angleterre. David Gates Ă©tait si heureux ! Il m’a invitĂ© Ă  dĂ®ner au Grand National pour fĂŞter ça. Ce morceau avait Ă©tĂ© Ă©crit pour sa propre mère, ce n’était pas du tout une chanson d’amour entre un homme et une femme comme tout le monde le pense. Mais une dĂ©claration d’amour Ă  sa mère pour lui dire toute sa reconnaissance. Sa mère avait souffert pour l’élever comme il fallait et quand elle est morte, ça a Ă©tĂ© son cadeau pour la remercier de lui avoir tout donnĂ©. J’ai appris l’histoire de cette chanson après, Ă  l’époque oĂą je la chantais j’étais persuadĂ© que c’était une chanson d’amour !M Quand UB40 ou Boy George ont repris vos chansons, ça vous a donc plu?KB Boy George ! Je l’ai bien connu quand j’habitais en Angleterre. Lui et UB40 ont grandi avec ma musique. Oui, Ă  chaque fois qu’un artiste reprend un de mes titres, ça me rend extrĂŞmement heureux car je sais que ça fait vivre ma musique. Et en mĂŞme temps ça fait bouillir la marmite! Ces chanteurs très connus vendent beaucoup de disques. Mais le plus important c’est que les morceaux eux-mĂŞmes continuent d’élever l’âme des gens. C’est ce que j’aime dans la musique quand je suis sur scène et que je vois le public rĂ©agir Ă  ce que je chante. Je les rends heureux et ils me le rendent bien ![IMAGES-INLINE-ab64563305]© Bernard BenantM Il faut dire que l’amour, c’est votre registre !KB Oui, l’amour est la chose ultime pour moi. Mais je chante aussi les problèmes des gens, des thèmes qui viennent de la souffrance l’exploitation, la discrimination. Ce qui me plaĂ®t c’est de pouvoir traduire ce que ressentent les gens, et les aider Ă  rĂ©flĂ©chir. Les problèmes sont partout sur terre, mais la seule chose qui peut directement leur parler, c’est la Que raconte la chanson Let the water run dry ?KB C’est une chanson d’amour qui parle d’une rupture et de l’ingratitude. Une femme a quittĂ© un homme et puis elle se rend compte qu’elle a fait une erreur. Quand elle revient vers lui, il ne veut plus d’elle. On peut l’interprĂ©ter plus largement aussi. Elle relève de la recherche de la rĂ©demption, d’oĂą le fait de laisser couler les On vous dit amoureux de la France. Qu’aimez-vous dans ce pays ?KB Les gens ici me renvoient tellement d’amour qu’il faut bien que je leur en donne aussi ! Et puis la France a une histoire commune avec celle de la JamaĂŻque. Les gens ont souffert et se sont rĂ©voltĂ©s. La RĂ©volution. Nous aussi l’avons faite avec la reine Nanny au 18e siècle ou Marcus Garvey après. La France partage avec la JamaĂŻque cette nature rebelle. Il ne faut pas rigoler avec les Français, ce sont des contestataires ! Et ce n’est pas pour vous faire plaisir que je dis ça. J’ai peut-ĂŞtre du sang français, qui sait ? La grand-mère de ma femme est française, regardez-la, elle a le nez droit de la Française ! Et pour finir j’aime aussi beaucoup le français, votre langue est L’album se termine sur Rastaman Chant, un formidable gospel avec des percussions nyabinghis. Vous mĂŞlez chant d’église et chant rasta. Ce n’est pas si courant...KB Tout le monde l’aime ce titre, Ă  commencer par moi! Et vous avez bon goĂ»t ! C’est un morceau traditionnel. Petit, j’entendais les rastas l’entonner. C’est un peu comme Redemption song. Oui il rĂ©unit l’église et les rastas. Un socle. En JamaĂŻque c’est comme ça.[IMAGES-INLINE-c132ff3a9e]Inna de Yard Ken Boothe, Chapter Two/Wagram Un mural du chanteur jamaĂŻcain Bob Marley, le 8 fĂ©vrier 2009 Ă  Kingston image d'illustration SAMAD "C'est un jour historique", pour la ministre de la Culture jamaĂŻcaine, Olivia Grange. Le reggae a Ă©tĂ© inscrit ce jeudi sur la liste du patrimoine culturel immatĂ©riel par l'Unesco lors de la treizième rĂ©union de son comitĂ© intergouvernemental Ă  Port-Louis, sur l'ĂŽle Maurice. LIRE AUSSI >> Parfums de Grasse, reggae... A quoi sert le label Unesco? L'organisme de l'Onu a soulignĂ© "la contribution" de cette musique jamaĂŻcaine Ă  la prise de conscience internationale "sur les questions d'injustice, de rĂ©sistance, d'amour et d'humanitĂ©, et sa dimension Ă  la fois "cĂ©rĂ©brale, socio-politique, sensuelle et spirituelle". "Si, Ă  ses dĂ©buts, le reggae Ă©tait la voix des communautĂ©s marginalisĂ©es, il est dĂ©sormais jouĂ© et adoptĂ© par une importante partie de la population, tous groupes ethniques et religieux confondus", a ajoutĂ© l'Unesco. Offre limitĂ©e. 2 mois pour 1€ sans engagement Rapidement populaireLe reggae rejoint grâce Ă  l'Unesco une liste de quelque 400 traditions culturelles, allant de la pizza napolitaine au zaouli, musique et danse des communautĂ©s gouro de CĂ´te d'Ivoire. Cette dĂ©cision "aide Ă  placer la JamaĂŻque sur une carte", s'est encore rĂ©jouie Olivia Grange pour l'AFP. "OĂą que vous alliez, quand vous dites que vous ĂŞtes de JamaĂŻque, on vous dit 'Bob Marley'", poursuit-elle. Le reggae a Ă©mergĂ© Ă  la fin des annĂ©es 1960. Style musical issu du ska et du rocksteady, il a aussi intĂ©grĂ© des influences du jazz et du blues. La musique est ensuite vite devenue populaire aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, importĂ©e par les nombreux immigrĂ©s jamaĂŻcains après la Seconde Guerre mondiale. C'est la chanson Do the Reggay de Toots and the Maytals, qui a Ă©tĂ© la première en 1968 a utiliser le nom de reggae. Mais la musique a ensuite connu un succès mondial grâce Ă  des classiques de Bob Marley et son groupe the Wailers comme No Woman, No Cry et Stir It Up.   La musique des opprimĂ©sLe reggae s'est souvent revendiquĂ© comme la musique des opprimĂ©s, abordant des questions sociales et politiques, la prison et les inĂ©galitĂ©s. "Le reggae est un distillat des diffĂ©rents genres jamaĂŻcains, remontant jusqu'aux temps de l'esclavage", estime le musicologue jamaĂŻcain Garth White, dans une vidĂ©o mise en ligne par l'Unesco. Il est Ă©galement indissociable du rastafarisme, mouvement spirituel qui sacralise l'empereur Ă©thiopien HaĂŻlĂ© SĂ©lassiĂ© et promeut l'usage de la ganja, ou marijuana. Pour JerĂ´me Levasseur, directeur du Bagnols Reggae Festival, festival de reggae qui se tient Ă  Bagnols-sur-Cèze, dans le sud de la France, l'inscription du reggae sur la liste du patrimoine immatĂ©riel de l'Unesco est une "excellente nouvelle". Le reggae "n'a jamais eu la reconnaissance qu'il mĂ©rite et a toujours Ă©tĂ© un peu Ă  la marge", a-t-il dĂ©clarĂ© Ă  l'AFP. Les plus lus OpinionsLa chronique de Vincent PonsVincent Pons, avec Boris VallĂ©eLa chronique de Marion Van RenterghemPar Marion Van RenterghemLa chronique de Sylvain FortPar Sylvain FortLa chronique du Pr Gilles PialouxPar le Pr Gilles Pialoux Share Tweet Share La musique JamaĂŻcaine et ses origines Le JamaĂŻque est un pays oĂą la musique et la danse occupent une place très importante. Les rythmes musicaux en JamaĂŻque sont très variĂ©s. Toutefois, la musique la plus connue en JamaĂŻque reste le reggae et le reggae dancehall avec son illustre crĂ©ateur Bob Marley. Quant on Ă©voque la musique jamaĂŻcaine, le nom de reggae apparaĂ®t presque comme une mĂ©tonymie. Mais aborder ce seul genre ne permet de parcourir tout l'horizon des formes musicales qui ont vu le jour en JamaĂŻque. Alors, nous vous prions de bien vouloir jeter un coup d'oeil sur cette vidĂ©o pour en savoir plus sur l'histoire de la musique JamaĂŻcaine. L'ethnomusicologie ou la sociologie de la musique ont trouvĂ© dans l'Ă®le un terrain d'Ă©tude privilĂ©giĂ©. Si le contexte caribĂ©en et le temps long a eu une influence majeure sur les musiques populaires qui ont vu le jour dans l'Ă®le, l'histoire propre de la JamaĂŻque et de son peuple ont jouĂ© un rĂ´le primordial dans le dĂ©veloppement de formes musicales d'une grande les expressions musicales jamaĂŻcaines connaissent une grande spĂ©cificitĂ©, elles sont aussi, comme le rappelle Isabelle Leymarie, membres Ă  part entière de la famille des musiques caribĂ©ennes. FamiliaritĂ© des rythmes, des thèmes mais aussi et surtout, histoire et hĂ©ritages partagĂ©es comme peut l'ĂŞtre l'esclavage et l'arrière-plan colonial. Ainsi, les musiques jamaĂŻcaines sont marquĂ©es par une apparente dualitĂ© entre les musiques du colon et les musiques des esclaves. Cependant, dans les premiers temps de la colonisation europĂ©enne, une relative communautĂ© de rythmes entre Africains et EuropĂ©ens semble avoir existĂ©. Share Tweet Share

quand on est musicien on est jamaicain